Bien-être au travail : trouver sa voie… ou SES voies !

Même si jusqu’il y a quelques années l’idée de vocation, de sens et d’alignement semblait radicale, de plus en plus d’individus adhèrent aujourd’hui à une autre vision de la vie professionnelle. Il est même question de multi vocations !
Par Daniëlle De Wilde et Fabienne Doyen, coachs au BAO Group – photos Mathilde Troussard.– modèle Ana Cembrero Coca

Travailler au sein de différentes organisations. Il est désormais évident qu’une carrière se construit auprès de différentes organisations : finies les décennies d’ancienneté pour les travailleurs qui ont rejoint le marché de l’emploi ces dernières années. La multiplication des contrats intérimaires ou à durée déterminée pousse de fait à poursuivre son parcours au sein de différentes entreprises. Et puis la réalité économique forcera certains à se réorienter suite à un (ou des) licenciement(s). Cette donnée est elle aussi entrée dans les mœurs : qui ne connaît personne qui ait perdu son emploi ? Un phénomène qui touche toutes les strates du marché du travail, depuis les emplois dits ‘peu qualifiés’ jusqu’aux membres de comités de direction.

Enfin, pour beaucoup de jeunes travailleurs, multiplier les environnements de travail différents est un choix. Ce qui était vu dans le passé comme une forme d’inconséquence, est à présent délibérément visé par les collaborateurs de la génération Y : multiplier les expériences, de préférence au sein d’équipes différentes, pour apprendre plus et plus vite. D’autant plus qu’il est prouvé qu’on augmente plus vite son salaire en changeant d’employeur qu’en évoluant au sein de sa compagnie.

Changer de cap

Au-delà des changements d’organisations, les exemples sont nombreux d’individus qui choisissent à un certain stade de leur vie professionnelle de changer d’orientation, parfois pour un chemin complètement différent. C’est l’histoire de cet employé de banque devenu instituteur, de ce chef d’entreprise devenue thérapeute psychocorporel, de cette contrôleuse de la qualité devenue couturière, de ce développeur informatique devenu consultant en ressources humaines,… Nous en avons tous croisé, des personnes qui ont choisi de faire un tournant à 180° dans leur carrière, quittant ce qu’elles avaient construit pour développer une nouvelle identité professionnelle, plus en accord avec leurs aspirations profondes.

Beaucoup semblent convaincus qu’il y a une corrélation parfaitement possible entre les besoins de la société et les talents que chacun d’entre nous a à offrir.

Est-ce possible d’atteindre cet idéal ? Et si nous nous laissions inspirer par les entrepreneurs du secteur de la technologie ? Et si notre carrière se transformait en une série de « startups » créées au fil du réajustement continu de nos idées, de nos inspirations et de nos objectifs ?

Et si nous créions notre job de toutes pièces au lieu d’attendre qu’on nous en offre une description de fonction inadaptée ou qu’il faille vivre dans la peur de perdre ce qu’on veut bien nous donner ?

Trouver sa voie

Cette prise en main totale de notre avenir professionnel nécessite une chose : découvrir ce qui nous rend heureux, ce qui booste notre énergie pour apprendre, et comment ce qui nous passionne répondrait à un besoin sur le marché.

Trouver sa voie… Certains en ont peur : et si je ne la trouvais pas ? Et si je n’avais aucun talent particulier ? Ou en tout cas rien qui débouche sur du travail ?

Il y a bien sûr les personnes qui ont une vocation. Elles ressentent au plus profond d’elles-mêmes un appel qui les mène à exercer un certain métier. Mais pour la plupart des individus, la voie n’est pas si claire et trouver sa mission de vie (professionnelle) demande mûre réflexion, parfois même guidance spécialisée. C’est là qu’interviennent les notions de connaissance de soi, de développement personnel, d’estime de soi et de courage. Le courage de creuser à l’intérieur de soi pour y découvrir des ressources uniques et repérer son ‘modèle économique intérieur’ dans un monde de plus en plus enclin à faire de la place pour l’innovation, la mobilité et la singularité.

Investir dans son jardin intérieur et y arroser toutes les graines qui ne demandent qu’à germer, éclore, pousser et fructifier. Vivre son voyage du héros-professionnel (voir encadré).

Un chemin à plusieurs voies ?

Si certains ont peur de ne pas trouver leur voie, d’autres se trouvent face à un autre dilemme : tant de possibilités! Ils ne savent que choisir et se culpabilisent de cette diversité d’intérêts, de cette curiosité permanente qui les emmène d’une idée à une autre alors que le monde leur demande de se fixer, de choisir. Voguer d’un intérêt à l’autre et développer de multiples talents, apparemment sans liens, cette faculté a récemment reçu un nom : la multipotentialité. Et cette faculté est à présent reconnue comme une réelle valeur ajoutée pour un acteur dans l’économie du 21e siècle.

Elle se manifeste par la combinaison de 3 grandes capacités :

– la synthèse d’idées venant de différents centres d’intérêt pour créer quelque chose de nouveau, qui sera comme une intersection entre les thématiques de prédilection du multipotentiel. Et c’est de ce genre d’interconnexion que naît l’innovation.

– un apprentissage particulièrement rapide : si un thème capte son intérêt, le multipotentiel va s’y investir à fond, il ne craint pas de commencer quelque chose de zéro… parce qu’il l’a déjà fait de multiples fois ! Et comme apprendre est une compétence, et qu’il l’utilise si régulièrement, il y est passé maître. Sans oublier que beaucoup de compétences acquises sont transférables vers d’autres domaines et favorisent ainsi le captage de nouvelles données.

– une adaptabilité au dessus de la moyenne, liée à l’habitude de se mettre spontanément dans de nouvelles situations. Or, les analystes du marché de l’emploi sont unanimes sur le plan international : c’est l’adaptabilité qui est la compétence-clé de ce début de siècle.

Ces caractéristiques sont une force, mais disparaissent aussitôt qu’on met la pression à un multipotentiel pour qu’il réduise son champ d’intérêt. Or n’est-ce pas ce que beaucoup d’entre nous ont entendu depuis leur plus jeune âge, par exemple au moment d’entamer des études ? Il fallait choisir une voie, savoir ce qu’on veut faire « quand on sera grand », se fixer un objectif précis et l’atteindre, …

Ceux qui ont résisté à cette ancienne tendance sociétale en ouvrent une nouvelle : les carrières multiples. On les appelle parfois « slashers » : ils cumulent les rôles et leur carte de visite comprend ainsi des « / » (slash). Ils sont chirurgien/professeur/saxophoniste, graphiste/créatrice de bijoux/home stager, ou encore fonctionnaire de police/nail artist/professeur de yoga. Les exemples se multiplient ces dernières années.

Quant au travail en entreprise, selon Émilie Wapnick, jeune entrepreneuse/artiste/conférencière américaine – spécialiste de la multipotentialité, les meilleures équipes viendraient de la conjonction des talents de spécialistes dans un domaine avec la transversalité et la créativité des multipotentiels.

Une incitation envers chacun à accepter son caractère, que l’on soit de type spécialiste ou « multipotentialiste ».

Êtes-vous un « multipotentialiste » ?
Quelques caractéristiques :
– à la question « qu’est-ce que tu veux faire quand tu seras grand ? », vos réponses ont changé 4 ou 5 fois durant votre scolarité.
– si on vous demande quel sont vos hobbies… vous paniquez ! Vous en avez tellement qu’il vous semble impossible de répondre à cette question.
– vous aimez apprendre de nouvelles choses, encore et encore. Vous adorez ça… et n’êtes donc pas inquiet d’en oublier d’anciennes.
– il suffit d’un article, d’une vidéo, d’une conversation pour piquer votre curiosité. Et vous voilà parti pour des heures de recherches sur le sujet.
– une fois les principes de base (rapidement) acquis, cette chose qui vous passionnait tellement devient finalement ennuyeuse.
– les idées vous viennent facilement et en continu. Au point, que vous n’avez pas vraiment le temps de les mettre à exécution.
– changer de point de vue ne vous pose pas de problème. Que ce soit dans la vie privée ou professionnelle, vous êtes prêt à pivoter à 180° d’un instant à l’autre.

Catherine Wolters, slasher 

« J’aime faire l’analogie entre la multiplicité des activités professionnelles et la biodiversité, chacune des activités vient fertiliser l’autre. »

Physicienne de formation, j’ai travaillé pendant 20 ans dans différents secteurs tels que la consultance, l’IT, l’industrie (énergie, téléphonie) et finalement le biopharma. 20 années de passion et de défis au bout desquelles, cependant, j’ai ressenti le besoin et l’envie d’un meilleur équilibre. Besoin d’équilibre entre performance (les fameux KPIs) et ma passion pour l’humain, son bien-être et son développement. Il y a cinq ans, j’ai donc décidé de reprendre des études en parallèle de mon job afin de devenir psychopédagogue perceptif (fasciathérapeute, méthode Danis Bois), métier que j’exerce aujourd’hui comme indépendante complémentaire un vendredi sur deux, le soir en semaine et le samedi. L’idée d’exercer deux métiers à la fois m’a fait peur au départ, peur d’être débordée. C’est d’ailleurs souvent la réaction qu’ont les personnes auxquelles j’explique ce que je fais dans la vie. Or, il n’en est rien, c’est le contraire qui se produit, mon second métier est devenu un genre de garde-fou, il m’évite de basculer dans le ‘trop’ de passion dans un seul domaine. J’ai continuellement besoin de défis. Démarrer une nouvelle activité en est un merveilleux qui me pousse à sortir de ma zone de confort, à oser le changement bienfaisant. C’est aussi un moyen très efficace de me déconnecter de mon activité principale et de me ramener au cœur de mes valeurs. Lorsque je travaille une demi-journée comme bénévole à La Vie-Là1, je me sens déconnectée du bureau comme si j’étais partie 3 semaines en vacances ! Avouez qu’il s’agit là d’une manière très économique de se ressourcer, de tourner la page pour aborder le week-end de manière sereine et profiter pleinement de ces 2 jours de repos et de joies familiales. Les activités complémentaires sont autant de cordes à mon arc, et m’apportent un sentiment de sécurité plus grand. Si un jour je perds mon emploi, l’activité complémentaire pourrait rapidement devenir principale. Je me sens libérée du patron tout puissant, et multiplie les possibilités de carrière pour arriver, voire dépasser l’âge de la pension. Je dis souvent que je prépare ma ‘troisième’ vie, celle qui suivra ma vie de maman, lorsque les enfants s’envoleront, ils ont 19 et 21 ans, je ne souffrirai pas du syndrome du nid vide. Me libérer de cette angoisse, c’est les libérer eux et leur donner des ailes de plus grande envergure. J’aime aussi faire l’analogie entre la multiplicité des activités professionnelles et la biodiversité, chacune des activités vient fertiliser l’autre, il en découle une belle richesse d’idées et de créativité. Et la diversification entraîne la diversité puisque la sérénité et l’ancrage que je retire de mon métier de psychopédagogue perceptif, se sont fait remarquer au bureau peu de temps après le démarrage de mon activité complémentaire. En effet, le médecin du travail de l’entreprise m’a proposé de devenir ambassadeur bien-être2,  ensuite, ce sont les ressources humaines qui sont venues me proposer de devenir coach en interne. Je suis donc devenue une ‘slasher’ au sein même de l’entreprise biopharma belge pour laquelle je travaille. Une chance énorme que j’ai de travailler dans une entreprise qui investit de plus en plus dans l’humain et son bien-être. Mon nouveau métier de coach a un slash aussi puisque je suis coach employée / indépendante complémentaire. Je coache tant des personnes en entreprise, que des personnes qui vivent une épreuve, une crise, une maladie ou souhaitent réorienter leur vie. Coaching et fasciathérapie offrent une merveilleuse combinaison d’outils dans ce cadre.  En résumé, dans l’entreprise, je suis directeur manager d’équipe / ambassadeur bien-être / coach. Et dans la vie, je suis cadre dans le biopharma / psychopédagogue perceptif / coach / bénévole à La Vie-Là / m aman de deux enfants /… Un point de suspension qui sera bien vite comblé tant apprendre et découvrir de nouveaux horizonx donne envie d’aller voir plus loin encore…

1. La Vie-là, maison de ressourcement et de bien-être pour personnes ayant le cancer, traitées à la clinique Saint-Pierre d’Ottignies. 

2. Ambassadeur bien-être : Une personne à l’écoute de ses collègues, en toute confidentialité, et capable de leur offrir des conseils et du soutien afin d’assurer un meilleur équilibre entre performance et bien-être au travail. Ils n’ont pas un rôle de thérapeute mais sont formés afin d’identifier les besoins et orienter vers les bonnes personnes.

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Même si jusqu’il y a quelques années l’idée de vocation, de sens et d’alignement semblait radicale, de plus en plus d’individus adhèrent aujourd’hui à une autre vision …