Beauté en pharmacie : ce que son succès dit de nous

 

Parce qu’une belle peau est d’abord et avant tout une peau saine, les rayons des cosmétiques n’en finissent pas de se développer dans l’officine. Une tendance qui va de pair avec une quête d’authenticité, de crédibilité, de naturalité et d’achat raisonné en ces temps de crise. Coup de projecteur sur un phénomène en rien anodin.

Isabelle Blandiaux

Un teint frais, une allure tonique, une énergie à toute épreuve pour mener de front vie privée, professionnelle et sociale à tous les âges. C’est l’injonction sous-jacente que nous assène la société, alors que les rides sont de mieux en mieux acceptées, même si les cosmétiques nous promettent toujours de retarder leur apparition et de limiter leur intensité.

L’idéal de beauté passe aujourd’hui par la santé, celle qui irradie par les pores de tout notre épiderme, rend la démarche souple et musclée, la chevelure brillante, abondante, le visage radieux. Dans une économie en berne, le marché des cosmétiques en pharmacie affiche une croissance de 3 à 5% et connaît un dynamisme particulier avec l’apparition de nouveaux points de vente, via les parapharmacies qui ne vendent que les produits non médicamenteux de la pharmacie, à commencer par la beauté et les compléments alimentaires. Mais comment les cosmétiques sont-ils entrés dans l’officine ? Grâce à des marques nées avec une vocation thérapeutique, dans des lieux de thermalisme : La Roche-Posay et Avène conservent cette approche avec des soins qui proposent une réponse précise à un problème physiologique (intolérance cutanée, acné, atopie…). Créés en 1931 par un dermatologue français, le Dr Haller, les laboratoires Vichy utilisent les pouvoirs fortifiants et reminéralisants de l’eau de source qui coule depuis près de 1000 ans en Auvergne, berceau des volcans.

Datant du début du 17e siècle et alors thérapeutiques, les installations thermales sont désormais destinées à l’agrément. « Le centre de La Roche-Posay, lui, demeure médical. Les cures y sont remboursées en France en cas d’atopisme par exemple, avec hébergement chez l’habitant à moindre coût. Les marques comme Avène et Uriage ont aussi conservé cette orientation thérapeutique », observe Roland De Cocq, directeur général de Cosmétique Active (la division ‘pharmacie’) chez L’Oréal en Belgique et aux Pays-Bas. « Le médecin qui a créé la première gamme de crèmes ciblées par types de peaux (normale, sèche, grasse) pour Vichy a décidé de les vendre dans un lieu très démocratique, par rapport à la parfumerie de l’époque : la pharmacie. Le début de la démocratisation de la cosmétique vient de là. Dans les années 30, on trouvait juste la boîte bleue de Nivea dans le petit magasin du coin ou alors des produits plus exclusifs et réservés à une élite, dans les parfumeries. »

La nature avant tout

life-magazine« Beaucoup de clientes nous demandent des crèmes et démaquillants pour peaux sensibles ou bien des déodorants sans sels d’aluminium par exemple », explique cette pharmacienne indépendante de la périphérie bruxelloise. « Or elles n’ont pas nécessairement une peau sensible au sens scientifique, juste une sensation d’inconfort qui les amène à s’orienter vers des cosmétiques sans aucun risque de réaction. Elles sont aussi beaucoup mieux informées du nom des ingrédients, des composants chimiques et sont soucieuses d’utiliser les soins les plus naturels possibles. »

C’est précisément en partant de ce constat que Marine André, fille de pharmaciens, a lancé Bee Nature il y a environ 5 ans en Belgique, une ligne courte de cosmétiques naturels et éthiques à base de miel fair-trade. « Je m’étais aperçue que les compositions (sans huiles minérales, sans parabènes, sans phénoxyéthanol) n’étaient pas toujours en accord avec les nouvelles attentes des consommateurs. J’ai également constaté que les gens voulaient un retour au local, aux traditions et à l’authenticité. On veut savoir ce qu’on achète, ce qu’on se met sur la peau, connaître le lieu de la production (un Établissement de Travail Adapté qui emploie des personnes handicapées en Belgique pour Bee Nature). » D’autres marques belges naturelles et/ou bio ont émergé ces dernières années dans l’officine, dont Seconde Nature et Thala Cosmetics.

Confiance et réassurance

Le pharmacien est le premier conseiller en matière de santé, qui vend des médicaments et des produits de bien-être comme des cosmétiques mais qui est tenu par une éthique professionnelle. Il bénéficie donc de la confiance des clientes qu’il connaît. « Quand on va présenter un nouveau produit au pharmacien, il met ses lunettes et regarde ce qu’il y a dedans, comment ça marche, si c’est efficace… », analyse Roland De Cocq, directeur général de Cosmétique Active chez L’Oréal. « Il ne va jamais vous dire que vous aller perdre 5 kg avec une crème amincissante mais il vous dira peut-être qu’elle va améliorer la qualité de votre peau. Il ne vend pas des miracles mais délivre un conseil global, en ajoutant par exemple qu’un régime est recommandé en parallèle, que boire beaucoup d’eau aide, en proposant éventuellement un complément nutritionnel. Il ne met pas sa crédibilité en jeu pour un produit cosmétique, qui est périphérique pour lui. Les femmes attendent justement plus d’authenticité, de vérité, de réalisme. C’est une tendance forte. » Vu l’insécurité économique, professionnelle, liée au terrorisme, la croix verte au-dessus de la vitrine apporte du crédit aux marchandises qui s’y trouvent, lorsque l’on recherche un achat fiable et raisonné.

Autre phénomène important, l’arrivée de marques non dermatologiques mais axées sur le plaisir, la sensorialité, les textures, comme Nuxe et Caudalie. « Depuis une dizaine d’années, ces marques avec des codes de luxe dans un univers pharmaceutique ont également contribué à développer le marché. Ces vrais succès sont venus en plus, sans cannibaliser les labels purement dermatologiques (La Roche-Posay, Avène, Bioderma…) qui restent plus que jamais centrés sur leurs valeurs. Dans la foulée, Vichy a pour sa part été repositionnée de façon un peu plus haut de gamme. »

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