Les Chatouilles : un grand huit émotionnel !

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Pourquoi se méfierait-on d’un ami de ses parents qui propose de « jouer aux chatouilles » ? Il n’est pas question de guili-guili mais bien de pédophilie dans le 1er long métrage d’Andréa Bescond. Cette œuvre autobiographique de résilience nous plonge dans le drame de son enfance. Rencontre avec une petite fille blessée devenue une femme qui embrasse la vie en dansant…

En voyant le film, on a le sentiment que le viol répété d’Odette est comme étouffé par son milieu, par sa famille, par la peur des adultes d’affronter la vérité en face.

Andréa : Absolument. C’est l’emprise de l’adulte sur l’enfant, que ce soit l’emprise de l’agresseur ou l’emprise de la famille. On constate que les enfants ne parlent jamais de ce qu’ils ont subi par peur de faire du mal. Il y a aussi, ancrée en eux, la peur de l’adulte et la peur de désobéir : il faut être un bon enfant et rester sur des rails. Mais ces secrets sont un cadavre dans le placard. Et quand ils sont révélés, beaucoup de familles réagissent par le dégoût en disant «ce que tu racontes est sale». Pourtant, à présent, les gens n’ont plus honte et je me souviens même d’un directeur de théâtre qui m’a confié avoir été victime. Il faut amener aujourd’hui les enfants à s’exprimer.

Pensez-vous que la passion d’Odette pour la danse soit salvatrice ?

Andréa : La danse, c’est son moyen d’expression et son instinct de survie. D’un point de vue artistique, la danse permettait à nos yeux de garder une certaine pudeur et d’exprimer la souffrance et la colère autrement. Il y a bien sûr des moments de colère verbalisés et joués, mais il y aussi cette colère chorégraphiée.

Malgré le traumatisme de la protagoniste, le film est profondément solaire…

 Andréa : Si on ne voulait pas raconter une trajectoire purement tragique, c’est parce qu’elle ne se résume pas qu’à cela ! On peut avoir été violée, perdu son humanité, chuté, remonté la pente et chuté encore plus bas, mais il n’y a pas de vie qui soit purement sombre et dramatique. Il y a aussi des moments d’apaisement et de respiration. On tenait à mettre cette dimension en images et à montrer comment Odette s’accroche à la lumière jusqu’au moment où elle s’apaise. Il fallait tirer de cette expérience traumatique et de cette amnésie traumatique des moments de vie. Et il était important de donner de l’espoir à des victimes en leur montrant qu’on peut s’en sortir, et qu’on a les armes au fond de soi. Car il faut marcher la tête haute en se disant qu’on n’est pas responsable : l’adulte agresseur est le responsable

Pensez-vous qu’un film comme celui-ci puisse faire changer les lignes ?

Andréa : On n’a pas la prétention de penser qu’un film puisse faire bouger les choses. Mais un outil artistique comme le cinéma peut toucher un large public. On est un peu résignés sur un plan politique. Marlène Schiappa se démène mais elle doit affronter le puissant lobby des magistrats qui se satisfont du statu quo. Étant donné qu’ils ont allongé le délai de prescription, ils renvoient les affaires de pédo-criminalité en correctionnelle alors qu’un viol est un crime qui devrait être jugé en Cour d’Assises. Beaucoup de gens se protègent et protègent leurs amis, issus de la libération sexuelle des années 70. On est des milliers de victimes à parler de la toxicité des relations sexuelles qui ont lieu pendant l’enfance. Aujourd’hui, si Odette prenait la main de Miguié, on pourrait dire qu’elle est consentante ! On arguerait du fait qu’elle «n’a rien dit», qu’elle «ne s’est pas débattue» et qu’elle a «suivi l’adulte». Il faut lutter pour montrer aux magistrats qu’on est en vigilance et qu’on est des milliers à témoigner de cette toxicité. Tout l’argumentaire sur le consentement d’enfants de moins de 13 ans est hallucinant. On sait que certains magistrats ont conscience de l’état de sidération des enfants, mais pas d’autres. Et ce type d’agressions sexuelles crée des désordres psychologiques souvent irréparables.

« Les Chatouilles », un film étourdissant de Andréa Bescond et Eric Metayer avec Karin Viard, Clovis Cornillac et Pierre Deladonchamps, au cinéma le 9 janvier.

Cet article a été réalisé en étroite collaboration avec Cinéart.

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