Et si Juliette Binoche n’était pas celle que vous croyez ?

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Pour épier son amant, elle se créé un faux-profil en mettant une photo d’une jeune femme qui a la moitié de son âge…  Dans un monde où vieillir est montré du doigt, Juliette Binoche incarne une quinqua en détresse. Victime de la société, elle s’invente une nouvelle identité pour repousser l’idée du temps qui passe… sans renoncer au désir.

Quand le virtuel devient réalité pour Juliette

Dans « Celle que vous croyez« , l’adaptation cinématographique du roman éponyme de Camille Laurens, Juliette Binoche nous fait vivre une histoire d’amour vertigineuse où vérité et mensonge se confondent…

Au-delà de sa dimension romanesque, le nouveau long-métrage de Safy Nebbou contient une dimension sociétale très forte. Tel un miroir de notre société moderne où les réseaux sociaux nous renvoient une image floue d’une réalité fantasmée, ce récit gigogne s’articule autour d’un trouble identitaire universel. « Claire cherche à résoudre un conflit en devenant une autre. » explique Safy Nebbou, le réalisateur. Sans vouloir s’engager dans une démarche frontale, militante ou simplement revendicative, le film met en lumière le statut de « femme invisible ». « Même si ce sentiment d’être périmé ou recalé, autrement dit cette conscience du temps qui passe et qui peut nous mettre à l’écart, n’est pas seulement réservé aux femmes… » souligne-t-il.

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Les passionnés du 7ème Art retrouveront également quelques références à Hitchcock, à Truffaut ou Sautet. Comme des clins d’œil aux métaphores omniprésentes dans le film. « L’écran d’ordinateur, par exemple, permet à la fois de nous mettre face à nous-mêmes (il reflète notre propre image) et de masquer le réel (en nous plongeant dans le virtuel). Le film joue de cet effet miroir. Par ailleurs, un va et vient constant s’opère dans le récit entre le monde réel de Claire et la dimension virtuelle de son avatar. Je pense par exemple à l’appartement de Claire : elle vit dans une tour moderne, entourée de fenêtres, une sorte de boite de verre. Lorsque la nuit tombe, son reflet apparait dans les baies vitrées et son double peut alors entrer en jeu… L’image prend une dimension presque fantomatique. » Pour Safy Nebbou, Juliette Binoche s’est imposée comme une évidence dans le rôle de Claire.

« J’ai senti qu’il y avait quelque chose, au-delà de l’histoire et du rôle, qui lui parlait en tant que femme. Sur le plateau, c’est un Stradivarius, et tout ça avec une honnêteté et un courage rares! Elle n’a rien perdu de la petite fille qui s’amusait à faire l’actrice. Elle est généreuse et n’a jamais peur de se mettre en danger ni de se mettre à nu. Elle se regarde en face dans son âge, c’est pourquoi elle rayonne ; et c’est aussi pour cela que j’ai eu un plaisir extraordinaire à la filmer. » conclut-t-il avec admiration.

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Tête-à-tête avec Juliette Binoche

Qu’est-ce qui vous a le plus séduite au départ dans ce scénario ?

L’inconnu rend curieux. C’était pour moi une plongée dans un monde que je ne connaissais pas vraiment, celui de Facebook et de ses possibles ! La structure du scénario m’a permis de rentrer peu à peu dans l’état émotionnel et psychologique de son aventure, avec des périodes bien différentes : le temps avec la psy, le temps du roman, et sa vie que l’on suit au fur et à mesure du film et qui se transforme.

Cette femme a tous les âges, en tout cas, elle le croit. On se demande comment il est possible qu’une femme sortie de longues années d’études littéraires, professeur à l’université, puisse tout à coup s’accrocher à son IPhone comme une adolescente. Elle paraît vivre des vies contradictoires. Malgré toute son érudition et sa maturité, c’est le désir de l’enfance qui persiste : celui d’être rassurée et d’être aimée. Le sentiment d’abandon semble être le déclencheur de sa perte d’identité.

Ce qui m’a étonné c’est de voir que par dépit ou vengeance, elle utilise un faux profil et parvient à oublier ce mensonge en vivant totalement cette nouvelle vie. Aussi, ses mille visages m’ont permis d’explorer cette notion si complexe du désir, la peur de laisser échapper la jeunesse, le pouvoir de l’imaginaire, et également comprendre comment on peut se créer un monde qui nous fait vivre et nous étouffe à la fois. Claire a la capacité de renaître quand tout est détruit…

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Le sexisme ordinaire est abordé lorsque Claire se créée un avatar qui a la moitié de son âge sur Facebook : difficile de n’y voir qu’un hasard, non ?

Oui bien sûr, son avatar est jeune et belle, et elle va se servir de cette image comme d’une arme magique. Son avatar est son ennemie numéro 1, mais elle est aussi sa force suprême qui lui permettra de manipuler, de jouir et d’être partie prenante de cette société de laquelle elle a été expulsée.

Elle a aussi une forme d’ironie quand elle poste la photo sur son faux profil. Une ironie du sort qu’on réserve aux femmes de son âge. Il ne s’agit pas seulement de redevenir jeune grâce à cette photo, mais de se servir de cette jeunesse pour regagner sa dignité et sa force pour un temps.Il lui faudra un autre temps pour retrouver sa véritable force, celle de l’indépendance la plus fondamentale, libérée de ses peurs et des attentes extérieures. Accepter de perdre, c’est la force de la maturité, qui permet un nouveau lieu intérieur où le bonheur est vécu autrement.

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Autre thème moteur du film : celui des réseaux sociaux et de leurs liaisons dangereuses…

Personnellement j’ai un compte Instagram, c’est un moyen ludique et direct de partager mes préoccupations, mes tournages, des photos, des poèmes avec des personnes du monde entier. Le lien cosmopolite me rassure. La communication a complètement changé avec tous ces réseaux sociaux, on a beaucoup plus de doutes sur tout ce qu’on essaye de nous faire croire dans les médias classiques.L’information pullule dans tous les coins de la terre, on a l’impression que tout va très vite. Se recentrer sur sa propre énergie demande de la sagesse et de la vigilance, car nous sommes pollués et surveillés de partout.

Vous donnez l’impression d’approcher quelque chose de personnel – et d’important – à travers le rôle de Claire…

Un personnage permet d’explorer une nouvelle partie de soi quand on joue une histoire. À chaque fois. L’idée de se mettre en danger, de faire face à une zone inconfortable, est indissociable de la création pour moi. Après, il est vrai que Claire est l’un des rôles où j’ai le plus osé perdre pied et assumer de vieillir. A un moment donné, Claire est défigurée par la tristesse, se laisse aller, ses cheveux gris ne la gênent plus. Là, on comprend le parcours qu’elle a fait, les états qu’elle a dû traverser.

Le contraste des différentes vies de Claire m’ont amusée à incarner, même si les scènes avec la psy étaient éprouvantes. D’un côté, il y a la Claire de 50 ans abandonnée, vieillie, sous-jacente ; puis se réveille Clara, la désirante et désirable ; puis se créé la Claire du roman assumée et belle tandis que de l’autre côté de la montagne, il y a la Claire de 50 ans aux cheveux gris, qui s’en fout ; et enfin, à l’arrivée, lavée, sortie du tumulte, il y a la Claire libérée des vieilles peurs. C’était assez jubilatoire de pouvoir montrer et vivre autant de visages au même âge !

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« Celle que vous croyez« , de Safy Nebbou, le 6 mars au cinéma

Cet article a été réalisé en étroite collaboration avec www.cineart.be.

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