Upon Entry : passeports, s’il-vous-plaît

Dans le film à haute tension qu’ils ont co-réalisé, Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vásquez nous embarquent pour un voyage en paranoïa avec Diego et Elena, qui pensent quitter Barcelone pour commencer ensemble une nouvelle vie à New York. Mais lors de l’interrogatoire de la Police des Frontières, leur projet s’oriente vers un horizon rétréci. 

De questions de routine, l’enquête glisse progressivement vers un piège qui se referme sur le jeune couple, interprété par Bruna Cusí et Alberto Ammann. Plusieurs fois primé lors de festivals de cinéma d’auteurs et de polars prestigieux, le scénario de « Upon Entry » a été inspiré par les nombreux séjours des réalisateurs, vénézuélien et espagnols, aux États-Unis, et nourri des témoignages de leur entourage. « Nous avons élaboré une histoire qui serait racontée du point de vue d’un couple formé d’un Vénézuélien et d’une Espagnole – donc une Européenne –, qui doivent passer par le même processus d’immigration. Lui fait profil bas. Elle, brandit ses droits face à cette expérience qui la déstabilise. Ce qui nous intéressait, c’était de raconter au grand jour ce qui, généralement, se déroule derrière les portes closes des aéroports* ». Si au départ leur intention n’était pas d’écrire une histoire politique mais plutôt de témoigner de leur expérience personnelle, le sujet n’échappe pas au contexte international. Pour Alejandro Rojas, « le film parle des dynamiques de pouvoir, du harcèlement, des problèmes d’autorité, des endroits où vous pouvez soudain vous sentir extrêmement vulnérable selon vos origines, la méfiance que nourrissent certains envers vous selon ces mêmes origines. Il était crucial que le spectateur soit impliqué émotionnellement. Le film fait référence à l’administration Trump, au mur qu’il voulait dresser entre les États-Unis et l’Amérique latine ».

Leurs Amériques

De son côté, Juan Sebastián Vásquez analyse : « Ce que nous racontons dans le film, nous l’avons connu toute notre vie. Nous avons toujours eu à nous justifier pour obtenir un visa puis pour espérer passer la frontière. C’était déjà le cas sous l’administration Obama, par exemple. Évoquer le mur au début du récit nous permettait également d’élargir le sujet à ce que peut faire l’Europe avec ses migrants ». On l’a compris, dans cette histoire de fiction ancré dans la réalité, les réalisateurs relativisent leur relation au(x) rêve(s) américain(s). Juan Sebastián Vásquez insiste : « en tant que Vénézuéliens, nous avons toujours vu l’Amérique, à travers les films, comme le meilleur endroit pour vivre. C’est ce que les États-Unis nous ont vendu. Avec les années, nous sommes devenus beaucoup plus critiques, notamment depuis que nous vivons en Europe. Même s’il y en a toujours eu, on constate qu’il y a de plus en plus de films commerciaux, notamment américains, qui se permettent d’être critiques envers la société américaine ». Alejandro Rojas rappelle que le cinéma américain des années 60 et 70 « était un cinéma engagé politiquement, qui ne s’excusait jamais de l’être, ouvert et conscient de ce qu’il racontait ». Dans ce film qui « traite de ce qui est dit mais aussi de ce qui est tu », chacun revisitera ses frontières réelles, et fantasmées.    

*Propos recueillis par Emmanuelle Spacenta  

Cet article a été réalisé en étroite collaboration avec Imagine Film Distribution.
imaginefilm.be

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