Je ne suis pas seul face à la souffrance au travail

©  Photo Mathilde Troussard

Surmenage, harcèlement, violence, stress, burn out… les cas de souffrance au travail sont de plus en plus nombreux en Belgique. Les causes sont multiples et se cumulent généralement pour former des problématiques individuelles complexes. Dans la législation (et le jargon), on parle de « risque psychosocial ».

Par Noëmi Panizieri, manager du département psychosocial de SPMT-Arista –photo Mathilde Troussard – modèle : Charlotte Loubet

Les risques psychosociaux sont à trouver dans toutes les composantes du travail. Cela peut être l’organisation du travail qui est déficiente : les procédures de travail sont peu claires, trop nombreuses ou les tâches sont mal réparties entre les différents services et/ou collègues. Le contenu du travail peut également jouer un rôle dans le mal-être ressenti par un travailleur, la charge de travail pouvant être trop lourde ou trop faible, les tâches demandées trop répétitives ou trop complexes. Les conditions de travail sont aussi essentielles, surtout dans le contexte de crise économique  que nous traversons : peur de perdre son emploi, précarité du contrat, horaires de travail difficiles, difficulté à concilier vie professionnelle et vie familiale, manque de formation,… D’autres paramètres peuvent également intervenir, comme les conditions de vie au travail : le fait de ne pas disposer du matériel adéquat ou suffisant pour bien exécuter sa mission, manquer de sécurité ou de confort sur le lieu de travail, dans un environnement trop chaud, trop exigu, trop bruyant… Les relations interpersonnelles sont un autre facteur de risque important, qu’elles concernent les collègues, les supérieurs hiérarchiques, qu’elles soient inexistantes ou conflictuelles.

Les travailleurs exposés à ces risques psychosociaux se sentent souvent isolés dans leur souffrance. L’impact se fait dès lors progressivement sentir dans la sphère professionnelle en terme d’attitude, d’efficacité, d’absentéisme mais aussi et surtout dans la sphère privée et familiale. Les individus se renferment, se montrent moins patients et plus impulsifs. Agir pour ne pas  s’enliser dans cette souffrance est primordial.

Les relais, s’ils sont trop souvent méconnus,  existent pourtant bel et bien, à plusieurs niveaux pour les travailleurs, que ce soit au sein de l’organisation de travail ou à l’extérieur de celle-ci.

Le département des ressources humaines au même titre que la ligne hiérarchique sont les premiers interlocuteurs naturels dans la résolution d’une situation problématique. Pour autant évidemment qu’ils ne soient pas directement impliqués dans l’épreuve vécue par le travailleur. Ils détiennent le pouvoir effectif de faire évoluer, de modifier sa réalité professionnelle.

La délégation syndicale peut aussi jouer un rôle non négligeable. Les représentants des travailleurs sont également là pour accorder une écoute attentive à des collègues en souffrance et vont, dans la mesure du possible, défendre ses intérêts afin qu’il retrouve une situation de travail apaisée.

De plus en plus d’entreprises font encore le judicieux choix de se doter de personnes de confiance. Travailleurs comme les autres, ces personnes sont nommées par l’employeur et formées spécifiquement pour participer à la prévention des risques psychosociaux au travail. Elles accordent une écoute active à leurs collègues, leur proposent des entretiens individuels et confidentiels. Si le travailleur le souhaite et en fait la demande explicite, les personnes de confiance peuvent participer à la résolution de la problématique de manière informelle et en gardant une position de neutralité. Sans prendre parti pour le demandeur, elles peuvent dès lors rencontrer un autre collègue impliqué ou un membre de la ligne hiérarchique et, si nécessaire, organiser une conciliation afin d’essayer de trouver des solutions en interne.

Enfin, avant d’entrer dans des procédures plus formelles et lourdes, les travailleurs peuvent gratuitement et de façon confidentielle faire appel à des conseillers en prévention chargés des aspects psychosociaux. Ces ressources font partie du service externe de prévention et de protection au travail au même titre que les médecins du travail. Ces conseillers en prévention tentent, de façon neutre et professionnelle, de conseiller le travailleur en souffrance des solutions afin d’apaiser le climat professionnel.

Le conseiller en prévention aspects

 psychosociaux ne peut pas : 

•Défendre vos intérêts, vos droits>Délégué syndical, avocat

•Vous permettre d’obtenir des dommages et intérêts>Avocat

•Appliquer des sanctions, recadrages>Employeur, ligne hiérarchique

•Aider à obtenir une mutation ou un C4>Employeur, RH ; délégué syndical

•Vous fournir un certificat médical>Médecin traitant / spécialiste

•Déclarer une  (in)aptitude au poste de travail>Médecin du travail

•Offrir un suivi thérapeutique>Psychologue, psychiatre

Tout comme celles des personnes de confiance, les coordonnées des conseillers en prévention aspects psychosociaux sont reprises dans le règlement de travail et sont donc à la disposition de chaque collaborateur. C’est au travailleur qu’il appartient de les contacter pour demander un rendez-vous. Le premier entretien, d’une durée d’environ une heure, est principalement destiné à écouter, conseiller la personne en souffrance et l’informer sur les différentes options dont elle dispose pour se sortir de sa situation problématique. Comme dans le cadre de l’intervention auprès d’une personne de confiance, les conseillers en prévention aspects psychosociaux peuvent participer à la résolution de la situation problématique de manière informelle en contactant un autre collègue impliqué ou un membre de la ligne hiérarchique et, si nécessaire, organiser une conciliation. Celle-ci n’est possible que si chacune des parties accepte de participer et de s’inscrire dans une dynamique positive de résolution de problème. Le conseiller en prévention psychosocial anime la discussion en gardant une position impartiale. L’objectif de cette technique n’est ni de déterminer qui détient la vérité, ni de pointer un participant comme victime et l’autre comme bourreau. C’est au contraire d’essayer de trouver les solutions pour que les participants puissent poursuivre une collaboration professionnelle commune, qui soit à la fois constructive et saine.

Si le travailleur ne désire pas faire usage de l’intervention informelle ou si celle-ci n’aboutit pas à une solution, le travailleur peut choisir d’introduire une demande d’intervention psychosociale formelle. Elle est plus contraignante car elle fait généralement l’objet d’une enquête et d’un rapport à l’employeur reprenant l’avis du conseiller en prévention, l’identifications des risques psychosociaux dans la situation spécifique et surtout la proposition de solution.

Cher travailleur en souffrance, vous n’êtes donc pas seul ! Des ressources internes et externes existent et doivent être mises en évidence. Elles sont à la disposition de chacun et ont l’immense mérite d’être gratuites. Il est donc primordial d’agir vite quand une situation dégénère et d’activer les leviers nécessaires afin d’éviter aux problématiques de pourrir, de s’enliser et de se cristalliser.

Le législateur ne s’y est pas trompé !

Une nouvelle législation relative à la prévention des risques psychosociaux au travail est entrée en vigueur le 1er septembre 2014. Ce nouveau texte accorde une importance fondamentale à la prévention de tous les risques psychosociaux, y compris le stress et ceux pouvant mener au burnout.

C’est un changement important, puisque jusqu’ici, la loi portait principalement sur le harcèlement moral, les actes de violence et le harcèlement sexuel au travail. C’est surtout une avancée nécessaire, puisque selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les problèmes de santé mentale constitueront le deuxième motif d’absence au travail en 2020. Et en Belgique déjà, d’après les chiffres de l’INAMI, les troubles psychiques forment la première cause d’invalidité (incapacité de travail de plus d’un an), représentant plus d’1/3 des cas d’invalidité !

Emmanuelle, 50 ans 

« Les comportements de ma nouvelle directrice m’ont détruite »

« Cela fait 15 ans que je m’investis dans la crèche où je travaille comme puéricultrice. Depuis le début, j’ai des retours très positifs des parents. Mais il y a un an, une nouvelle directrice a repris la gestion de la crèche. Rien ne va plus. Je ne suis plus que l’ombre de moi-même, je ne parviens plus à trouver la force d’aller au travail et de me confronter à elle. Ses comportements m’ont détruite: des critiques incessantes sur mes méthodes de travail, qu’elle juge archaïques, ma lenteur (j’ai 50 ans), la qualité de mon travail – en prenant de préférence les parents à témoin – , le refus systématique de mes congés ou de demandes de récupération d’heures supplémentaires, des horaires lourds, parfois 12  heures d’affilée. Ma directrice crie, claque les portes, refuse de m’écouter. Si mes collègues me témoignent trop de soutien, elle leur fait payer, je me retrouve donc isolée, seule. Je suis en arrêt maladie depuis 2 semaines. »

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