Pour y voir clair, rien de mieux qu’un dictionnaire. D’après celui de l’Académie française, « choisir » vient du gotique kausjan et signifie « goûter, examiner, éprouver » ; il s’agit de « prendre une personne ou une chose de préférence à une autre ou à plusieurs autres ». On compare, puis on exerce son jugement, et finalement on choisit : un livre, un métier ; un député ou son avocate ; ses mots, ses amis. Toujours selon la célèbre institution, « décider » est issu du latin decidere et veut dire « couper, détacher », « trancher, régler ». Ici, il est question de « résoudre après examen une question, arrêter ce qu’on veut ou doit faire ». On prend le parti d’agir, on se détermine à entreprendre. Ainsi, on décide de se marier, de consulter un médecin, de suivre une formation.

Faire un choix, prendre une décision

S’il l’un et l’autre sont synonymes dans certaines acceptions courantes, restent donc quelques subtilités. En octobre 2024, sur France Inter, le philosophe Charles Pépin apporte une nuance intéressante1 : « Un choix est rationnel, fondé, argumentable. Si vous hésitez entre deux options, A et B, et qu’à l’issue de la délibération rationnelle, c’est clairement A qui l’emporte, alors il n’y a rien à décider, il faut simplement choisir. Choisir A. Mais si, après cette délibération rationnelle, vous hésitez encore, alors c’est qu’il faut décider. Autrement dit, on choisit parce qu’on sait. On décide parce qu’on ne sait pas. Décider, c’est trouver le courage de s’engager dans l’incertain. » Une subtilité que suggèrent d’ailleurs les verbes d’action qui sont généralement associés à chacune de ces notions : on « fait » un choix, donc on regarde le présent en fonction du passé ; et on « prend » une décision, donc on tient compte du passé pour tourner son regard vers l’avenir.

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Du plus simple au plus complexe

Choix et décision se ressemblent néanmoins sur un point : ils sont en eux-mêmes très différents ! Certains de nos choix sont faciles quand les options le sont : c’est le célèbre cas du fromage ou du dessert ; et d’autres sont cruels si l’on se réfère au non moins célèbre Choix de Sophie 2 qui, dans un camp de concentration, doit choisir lequel de ses deux enfants doit être tué immédiatement. Idem pour la décision : on se décide aisément à faire du sport quand le Cid, lui, en proie au dilemme, ne peut se résoudre à venger son père ou à épouser Chimène. Ce qui se joue sur le plan cognitif et émotionnel est donc fonction du degré de complexité. Quand ni l’un ni l’autre ne soulève de question existentielle, ils reposent simplement sur l’appréciation personnelle (les goûts, les désirs) et génèrent souvent un sentiment de satisfaction. En revanche, quand ils sont déterminants, éventuellement définitifs, lorsqu’ils impliquent et engagent, soi et/ou l’autre, ils supposent tous deux un raisonnement plus approfondi et engendrent des émotions plus douloureuses. Finalement, un choix simple est plus proche d’une simple décision que d’un choix complexe. Et réciproquement.

1. Dans La Question philo, « Comment réussir à décider ? », France Inter, 5 octobre 2024 (et en podcast sur radiofrance.fr). 2. Roman de William Styron (Gallimard, “Folio”, 1995) adapté au cinéma en 1982 par Alan J. Pakula.

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Texte : Aurore Aimelet