Les matérialistes s’attachent essentiellement aux biens, aux valeurs et aux plaisirs matériels, qui sont pour eux des sources de satisfaction ou de réassurance. « Ils s’intéressent peu à ce qu’il se passe dans leur corps, leur coeur, leur tête, confirme Vincent Bréjard. À leurs yeux, la vie psychique ne présente guère d’intérêt, en tout cas moins que tout ce qui est concret : la maison que l’on habite, la voiture que l’on possède, le métier que l’on exerce. » Leur estime de soi se fonde moins sur l’être que sur l’avoir, mieux encore : les avoirs. « Ils évaluent leur importance en fonction de critères bien réels et précis, mesurables en somme, décrit le psychologue. Cette tendance vient souvent de l’enfance et d’un environnement qui ne laisse que peu de place à l’imagination et aux sentiments, qui privilégie l’action, celle-ci ayant l’avantage d’éviter de penser, de ressentir. » À l’âge adulte, ils continuent de s’agiter pour mettre l’angoisse à distance : ils sont excellents pour régler des problèmes, par exemple, sans s’encombrer de doutes ou d’émotions. « Certains ont d’ailleurs du mal à les reconnaître, à les identifier, et plus encore à les exprimer. Ils restent très factuels et superficiels : s’ils racontent l’un de leurs voyages, ils vont donner des détails sur l’organisation, mais seront incapables de parler de leur sentiment de peur dans l’avion ou d’émerveillement devant tel paysage. Ou alors ils ne partageront que des sensations physiques : ils se seront sentis fatigués. »

Pourquoi c’est difficile de vivre avec des matérialistes ?

Non contents de corréler leur propre estime de soi à leurs avoirs ou à leurs actions, les matérialistes jugent leur entourage de la même façon. « Parce qu’ils ne prennent pas en compte la dimension affective, émotionnelle, relationnelle de ce monde intérieur pourtant si riche, qui fait qu’un individu est unique, précieux, ils donnent l’impression de ne pas s’intéresser à lui, à ce qu’il ressent. » Les proches ont le sentiment d’avoir affaire à des personnes insensibles, distantes, futiles, avec lesquelles il est difficile de partager ce qui les anime en profondeur.

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Ce qu’on peut dire, ce qu’on peut faire

Éviter de juger leur coeur sec ! « Au contraire, il s’agit de les éveiller à la sensibilité, dans une posture éducative, suggère le spécialiste. Sans camper le psy, on peut les questionner sur leurs émotions, à l’occasion d’une sortie au cinéma ou d’une soirée entre amis : “Qu’est-ce que tu ressens ? Qu’as-tu aimé ?” » Les matérialistes pourront d’abord rétorquer qu’ils n’en savent rien. « Alors on peut parler de soi pour susciter leur curiosité : “Moi, j’ai ressenti de la nostalgie” ou “J’ai aimé rire avec les autres”. Souvent, ils ont des croyances sur ce qui se dit ou ne se dit pas, sur ce qu’il convient d’éprouver ou non. Ils pensent que le monde des affects est inintéressant. Voilà pourquoi ils ont besoin qu’on leur montre qu’il a de la valeur pour eux comme pour leurs relations. L’idée est de les rassurer et de les remettre sur la voie émotionnelle, de les inviter à s’intéresser à leurs contenus subjectifs. On peut aussi se montrer curieux de leurs rêveries, de leurs idéaux, et valoriser leur créativité, leur spiritualité. »

Prendre soin de la relation

Les matérialistes savent que ce penchant terre à terre leur est souvent reproché, en famille, entre amis ou au bureau. « Ils peuvent souffrir d’un sentiment de décalage et se sentir en marge, explique Vincent Bréjard. Raison pour laquelle ils essayent parfois d’éprouver ces émotions qu’ils ont mises à distance pour réagir enfin comme les autres. Mais ainsi, ils peuvent prendre des risques. Certains vont se mettre en quête de sensations fortes et se lancer dans des conduites à risque ; d’autres utiliser des substances chimiques pour parvenir à se confier ; d’autres encore vont connaître une décompensation psychosomatique : à force de réprimer leurs affects, des symptômes physiques peuvent apparaître, comme des problèmes de peau. » Avant que le vase ne déborde, mieux vaut qu’ils consultent en thérapie et plongent en eux-mêmes pour découvrir leur vraie richesse.

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Des ressources pour avancer ensemble

  • Un sujet de philosophie sur lequel réfléchir : quelles valeurs font la valeur d’un être humain ?
  • Un sport à pratiquer : les matérialistes ont souvent le goût du sport ; quel que soit celui qu’ils choisissent, il serait bon que, en pratiquant, ils s’interrogent sur leurs ressentis, non plus seulement corporels, mais émotionnels.
  • Une activité à partager : la respiration consciente a l’avantage d’inviter à se recentrer sur soi ; quelques minutes de méditation quotidiennes peuvent aussi aider ceux que l’introspection n’effraie pas.
  • Un film à voir : Le Loup de Wall Street de Martin Scorsese (2013). Leonardo DiCaprio, courtier en bourse, a tout : le pouvoir, l’argent, les femmes. Mais, parce que tout n’est pas assez, ses velléités matérialistes le conduisent à la chute. Sera-t-elle sa rédemption ?
  • Un roman à lire : Naissance d’un pont de Maylis de Kerangal. Des femmes, des hommes venus des quatre coins du monde travaillent à la construction d’un pont, quelque part en Californie. Une savoureuse métaphore (Gallimard, “Folio”, 2020).
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Les Troubles de la personnalité d’Agnès Bonnet-Suard et Vincent Bréjard.

Les Troubles de la personnalité d’Agnès Bonnet-Suard et Vincent Bréjard. Les troubles de la personnalité touchent environ 9 % de la population. Les auteurs passent en revue leurs différentes causes et prises en charge (Dunod, 2024).

Texte : Aurore Aimelet