Quand je l’ai rencontré, je ne me sentais pas digne d’être aimée », « C’est parce qu’elle m’a donné confiance en moi que j’ai osé me lancer dans de nouveaux projets », « Il se fiche totalement du regard des autres et j’essaye de prendre exemple sur lui… » Lorsqu’ils parlent de leur couple, certains évoquent une relation presque thérapeutique qui les aurait délivrés de chagrins anciens et les aurait aidés à aller de l’avant… Si, comme l’affirme le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, « le couple peut panser les blessures de l’enfance1 », est-ce le cas pour tous, et comment ce mécanisme de réparation se met-il en place ?

Comprendre l’origine des disputes

C’est souvent dans les disputes et agacements quotidiens de la vie de couple que nous pouvons identifier nos blessures d’enfance mal cicatrisées. Si vous partez dans une colère noire parce que votre conjoint a, une fois de plus, laissé traîner la vaisselle, c’est peut-être parce que, dans votre enfance, vous ne vous êtes senti. e ni écouté. e ni respecté.e. Si vous reprochez à votre amoureux.se de ne jamais vous faire assez de compliments, peut-être est-ce lié à un complexe d’enfance, aux remarques désobligeantes d’un proche sur votre physique… « Pourquoi nous observons-nous parfois déverser notre rage de manière totalement démesurée sur la personne que nous aimons le plus au monde ? Parce que, une fois adulte, cette personne devient généralement notre figure d’attachement principale, comme l’étaient nos parents lorsque nous étions enfant. Et, paradoxalement, pour peu que cette relation nous sécurise, pour peu que l’on se retrouve auprès de quelqu’un qui semble nous aimer véritablement, nous nous sentons suffisamment en sécurité pour crier, pour dénoncer, pour nous insurger et chercher à nous rendre justice », décrypte ainsi la thérapeute de couple Maureen Mellet, autrice de Quand le couple répare (Solar, 2024). Lorsqu’elles nous semblent disproportionnées, nos colères contre l’autre n’ont parfois que peu de rapport avec lui : guidés par un désir inconscient de réparer le passé, nous répétons indéfiniment les mêmes scénarios, en espérant cette fois-ci une issue plus heureuse. Même s’il est souvent plus facile d’accuser son conjoint, c’est justement cette répétition qui peut nous alerter, nous éclairer sur nos failles et nos axes de progression.

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Deux inconscients qui se choisissent

Pour Florentine d’Aulnois-Wang, thérapeute de couple et autrice des Clés de l’intelligence amoureuse (Larousse, 2024), notre inconscient choisit, lorsque nous tombons amoureux, la personne la plus à même d’appuyer sur nos points sensibles et de réveiller nos blessures du passé. « Nous la choisissons non pour nous faire du mal mais pour nous donner l’occasion de guérir de ces blessures et de grandir », précise-t-elle. Il est ainsi fréquent de tomber amoureux de quelqu’un qui a vécu les mêmes souffrances que nous mais qui s’y est adapté de manière différente. « Par exemple, les deux conjoints ont parfois connu dans leur enfance un manque de tendresse : ils n’ont pas été beaucoup cajolés, réconfortés… L’un va se construire en bannissant la tendresse de sa vie alors que l’autre va au contraire devenir un puits sans fond de demande de tendresse. Les deux inconscients se sont choisis car ils ont reconnu la même blessure chez l’autre, mais ils n’y ont pas répondu de la même manière », poursuit la thérapeute. La crise de couple qui surgit alors peut révéler des points de guérison potentiels : derrière des fonctionnements différents, il y a deux enfants blessés qui peuvent apprendre à s’entraider plutôt qu’à se faire la guerre… « Mais on peut aussi passer une vie à se déchirer sans faire ce travail pour lequel on s’est rencontrés », avertit Florentine d’Aulnois-Wang, qui vient de fonder l’École de thérapeute de l’intelligence amoureuse (Etia), pour former des professionnels qui aideront les couples à dialoguer sur ces terrains minés souvent sources de disputes. « C’est justement sur les terrains blessés qu’il y a une possibilité de croissance, poursuit-elle. Par exemple, si je ne supporte pas d’être seul.e parce que ma mère m’abandonnait régulièrement, j’ai deux solutions : soit j’interdis à mon ou ma conjoint.e de partir en mission, ce qui ne sera sans doute pas très bénéfique pour notre couple, soit nous réfléchissons ensemble à ce que nous pourrions mettre en place pour que je sente la sécurité du lien entre nous, même lorsqu’il est à l’étranger. »

Attention au “syndrome du sauveur”

La relation peut devenir un espace de réparation pour les deux partenaires, mais ce n’est pas à l’un des deux d’endosser le rôle de thérapeute. « J’ai toujours eu un faible pour les hommes un peu perdus. Au début, je prends plaisir à prendre soin d’eux, mais ensuite, je m’épuise, j’ai l’impression de tout donner et de ne rien recevoir », raconte Noémie, 42 ans, qui a fini par comprendre que ce n’est pas son rôle de chercher à « guérir » ses amoureux. « Pour que le couple fonctionne, la réciprocité est très importante. La relation est coconstruite par les deux partenaires : il ne s’agit pas d’en attendre quelque chose mais d’en faire quelque chose, souligne Pascal Spiler, thérapeute de couple et auteur de Mission couple, faire vivre les différences pour une relation saine et sereine (Jouvence, 2024). Je compare souvent la relation de couple à un chaudron dans lequel on fait une soupe : chacun va mettre des ingrédients, ceux qu’il aime et aussi ceux qui plaisent à l’autre, le but étant que la soupe soit bonne pour les deux. Ce n’est pas l’un qui va nourrir l’autre mais les deux qui vont se nourrir du contenu du chaudron. »

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Développer en soi ce que l’on aime chez l’autre

Passé la lune de miel, il est fréquent que l’on reproche à l’autre la qualité qui nous a attiré.e chez lui. « Lorsque j’ai rencontré Guillaume, j’aimais son indépendance, moi qui l’étais aussi et qui avais vécu seule de nombreuses années, se souvient ainsi Camille, 50 ans. Je me disais qu’avec lui, je ne me sentirais pas étouffée, mais aujourd’hui, je le trouve trop dans la fuite, et c’est moi qui réclame davantage de moments en couple, ce qui le fait fuir encore davantage… » Pour Pascal Spiler, ce que nous aimons chez l’autre nous informe sur ce que nous aurions intérêt à développer chez nous. Peut-être, pour Camille, une certaine indépendance, même au sein de son couple, ou bien une prise de distance par rapport au modèle offert par ses parents qui, eux, ne pouvaient rien faire l’un sans l’autre… « Les qualités qu’on apprécie chez l’autre sont un appel à les développer en soi car c’est à chacun de trouver sa propre sécurité intérieure, explique-t-il. C’est en ce sens que la relation peut être réparatrice. » « Certains apprennent aussi grâce au fonctionnement de la belle-famille, assure pour sa part la psychologue Camille Rochet, autrice des Cinq Croyances qui empêchent d’être heureux en couple (Larousse, 2022). Si, par exemple, dans la famille de mon conjoint, on se dit les choses simplement, je vais peut-être avoir moi aussi envie de parler franchement à mes parents, de sortir de certains non-dits. »

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L’envie d’évoluer ensemble

« La relation est le meilleur thérapeute pour nous », résume Florentine d’Aulnois-Wang, qui estime que nous aurions intérêt à passer du « développement personnel » au « développement relationnel ». « Nous sommes blessés dans le lien, et c’est aussi dans le lien que nous pouvons nous réparer », assure-t-elle. Bien sûr, pour y parvenir, il faut accepter de sortir un peu de son confort, oser se montrer vulnérable devant l’autre… Si vous êtes persuadé que vous êtes ainsi et que vous ne changerez jamais, le couple ne vous aidera pas à réparer quoi que ce soit.

1. Dans Parler d’amour au bord du gouffre de Boris Cyrulnik (Odile Jacob, “Poches”, 2007).

Texte : Ségolène Barbé