Développons-nous une culture érotique?

Par Armand Lequeux

Légende ou réalité historique ? On raconte que l’empereur de Chine rejoignait chaque soir son harem pour y choisir avec soin celle qu’il allait honorer cette nuit-là. Il la cajolait et la pénétrait, mais s’abstenait d’éjaculer afin de garder intacte toute sa puissance virile. La jouissance de la concubine était hautement souhaitable puisqu’elle permettait à l’empereur de capitaliser plus encore d’énergie vitale.

Cette conception taoïste de la sexualité contraste fortement avec celle que l’on peut rencontrer sur le continent africain : un homme viril se doit d’éjaculer plusieurs fois lors d’une relation sexuelle. Dans certaines régions, les femmes exigent d’être ainsi ‘’nourries’’ par le sperme de leur partenaire, ce qui en va pas sans poser de problème pour la prévention du VIH par l’usage du préservatif. Restons en Afrique pour observer que les femmes dans certaines ethnies sont tenues de pratiquer le dry sex en asséchant leur vagin avec des recettes traditionnelles alors qu’ailleurs elles sont incitées à se révéler bien humides, au point que les femmes fontaines y sont particulièrement valorisées ! Retour chez nous : la fellation, qui était considérée comme une perversion il y a quelques dizaines d’années, s’est banalisée au point de devenir une étape quasi incontournable de l’initiation sexuelle, comme la masturbation qui fut si longtemps considérée comme un péché ou à tout le moins comme une faiblesse morale !

À part satisfaire notre curiosité, quel peut être l’intérêt de ces considérations historiques et anthropologiques caricaturales ? Ces anecdotes pourraient nous rappeler une évidence : notre érotisme s’inscrit dans la culture. Notre pulsion sexuelle prend sa source dans notre héritage biologique, génétique, anatomique et hormonal, mais se transforme en désirs et en comportements érotiques à travers notre histoire et notre environnement. C’est vrai à titre individuel bien entendu, mais ce l’est également au niveau conjugal. Dans un couple en formation, on voit très vite apparaître des rites et des façons de faire à tous niveaux y compris sur le plan sexuel. On apprend vite à reconnaître chez l’autre les signaux du désir ou de l’indisponibilité. On devine, on fait des erreurs, on se corrige. Idéalement, on en parle, on dialogue, on cherche à harmoniser l’offre et la demande. La gestuelle érotique devient plus efficace et sans devenir, il faut l’espérer, une règle absolue et définitive, un scénario optimal se précise. Le couple, avec le bagage individuel de chaque partenaire et dans un environnement sociologique donné, invente sa propre culture sexuelle qui deviendra pour lui une norme qu’il s’impose à lui-même.

On prend particulièrement conscience de l’existence de ce phénomène normatif lorsque les circonstances nous conduisent à mettre en chantier un autre couple pour remplacer celui qui a fait naufrage : toutes les évidences sont alors remises en question et une autre culture conjugale est à réinventer. Il en est de même lorsque les aléas de la vie, comme les maladies et les handicaps, viennent empêcher les automatismes de fonctionner harmonieusement. Là aussi, il faudra faire preuve d’inventivité pour sortir de la zone de confort dans laquelle on s’était installé.

Cette norme peut devenir une habitude sclérosante, une satisfaction routinière du devoir accompli, un soulagement confortable d’un besoin vécu comme physiologique, mais elle peut aussi évoluer vers un approfondissement du sens et du partage du vécu sensoriel, émotionnel et spirituel de la rencontre sexuelle. Les évidences gestuelles peuvent s’avérer rassurantes ce qui n’est pas inutile lorsqu’on prend conscience que nous sommes tous, d’une manière ou d’une autre, fragiles dans notre sexualité. Quand on sait qu’a priori ça fonctionne, on peut se sentir libéré de l’anxiété de performance. Le souci de bien faire peut laisser place au souci de bien vivre et de bien partager !

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